Notes de lecture Vie et Sciences de l'Entreprise 198

L’ouvrage collectif montre comment la Chine populaire devrait réaliser un « nouveau bond en avant », en mettant en œuvre un plan de modernisation de son industrie (2006-2014). Les auteurs rappellent comment la Chine est passée d’une « économie planifiée avec l‘ajustement du marché » (1978-1984), à une « combinaison du plan et du marché » (1985-1992), puis à une « économie socialiste de marché (depuis 1993). Ces étapes ont permis de transformer la Chine en « usine du monde » toutefois dépendante des technologies étrangères. Le plan lancé en 2006 a pour ambition de transformer le pays en « leader mondial de l’innovation », par des « sauts technologiques » dans les secteurs stratégiques et dans les PME. L’ouvrage est organisé en trois parties. La première porte sur les conditions de cette transformation, la seconde sur les politiques d’innovation et la troisième sur la transition du modèle économique chinois. Une annexe analyse en profondeur le livre « La voie chinoise » de Michel Aglietta et de Guo Baï. L’Etat-entrepreneur chinois réussira-t-il au cours des années 2010 avec sa planification souple, dans une économie ouverte, là où la France a relativement échoué au cours des années 1980, avec sa planification indicative, dans une économie encore fermée ?

L’ouvrage collectif, rédigé par des Universitaires, est opportunément publié en période de débat budgétaire. Il répond à de nombreuses interrogations sur les origines, la nature et l’ampleur du déficit budgétaire et de la dette publique française. Les auteurs montrent que les pouvoirs publics (Etat et collectivités locales) sont désormais contraints de se conformer aux règles du marché et de se transformer en véritable entreprise. Ce paradigme entraine l’apparition de nouveaux modes de financement de l’action publique et une « banalisation » de la décision politique. L’Etat et les territoires font appel à la fois à l’impôt direct et indirect, aux redevances tarifaires, à l’externalisation (par contrats) de leurs services et à diverses formes de financement. Ils recourent de plus en plus au marché financier : la dette publique française dépasse 2000 milliards €, représentant près d’une année de PIB. Elle couvre deux décennies de déficits budgétaires et les intérêts cumulés de la dette. Elle grève lourdement l’action publique future. Cette situation est due aux crises économiques récurrentes depuis le début des années 2000, mais est aussi imputable à la nouvelle fonction de l’impôt, qui est désormais considéré comme un instrument de politique économique plutôt que comme une ressource finançant des services publics. Cette dérive a entraîné une remise en question du « consentement » à l’impôt et donc, à l’Etat. Elle n’a pas été endiguée par la « règle d’or » européenne (2012) de retour à l’équilibre budgétaire - à laquelle la France essaie de se soustraire -, et à l’application de la LOLF (2001) visant le contrôle des finances publiques, dont les effets sont encore décevants.

L’ouvrage retrace les différentes étapes et présente les divers courants de pensée qui ont marqué la tradition de la sociologie économique. Les auteurs présentent les visions qu’ont portées sur l’économie de grands auteurs comme Marx, Weber, Durkheim, Simmel, Polanyi, Granovetter… Le concept « d’encastrement » des entreprises dans leurs marchés, sur leurs territoires, dans la société, constitue par exemple un des apports originaux de la nouvelle sociologie économique (NSE). La notion de qualité des produits a modifié l’approche néo-classique du marché, désormais conçu à la fois comme un lieu d’échanges et comme un construit social encadré par des institutions. Les sociologues économiques se sont également intéressés aux modes de construction politique des marchés, en montrant comment les lois et les normes ont restructuré les activités économiques. La NSE aborde aussi la question des relations entre la culture et l’économie, en soulignant notamment le rôle de la consommation dans le développement du capitalisme, en analysant le processus de marchandisation des biens culturels, en observant les formes non marchandes de l’échange… Les notions de lien social, d’institution, de hiérarchie sociale… sont ainsi réinterrogées. De nouveaux débats sur les mouvements sociaux, sur l’économie cognitive, sur la régulation des activités économiques…sont ainsi lancés afin de mieux comprendre les rouages de l’économie et de la société post-moderne.

L’ouvrage explore les multiples dimensions de l’open innovation, qui recouvre diverses formes d’innovation ouverte et collaborative entre grands groupes internationaux, PME locales et administrations publiques, au sein d’un écosystème d’affaires. Les deux auteurs (pionniers de la discipline) livrent leurs réflexions - illustrées de nombreuses études de cas - au travers d’un plan efficace : l’open innovation, qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ? Pour qui ? Comment ? Suivant quelles règles de propriété intellectuelle ? Pour quelles synergies avec la créative problem solving ? Suivant quelles tendances et quelles perspectives ? Les auteurs analysent les rôles respectifs des différentes fonctions de l’entreprise dans la mise en œuvre d’une démarche d’open innovation. Ils constatent que cette pratique entre dans sa phase de maturité. Elle contribue directement à l’essaimage de la co-création entre les parties prenantes d’une plate-forme collaborative ou d’un réseau industriel. Elle permet notamment de démultiplier une innovation de rupture dans divers secteurs d’activité. Mais les auteurs ne se limitent pas à des considérations organisationnelles (comme le « modèle à 7 axes » de l’open innovation), ils abordent également les implications sociétales de la démarche. Ils montrent que sa mise en œuvre constitue désormais une « ardente obligation » pour les entreprises socialement responsables et les services publics, car l’open innovation contribue à la fois à renforcer la compétitivité des entreprises et à soutenir l’emploi productif d’un territoire.

L'auteur (enseignant-chercheur à l'Université Paris-Dauphine) se livre à un délicat exercice, Il analyse les dernières crises économiques et financières, à la lumière des principales théories applicables aux marchés financiers: le paradigme néo-classique de l'efficience et de la marche au hasard des marchés, la théorie néo-keynésienne des anticipations auto-réalisatrices, l'hypothèse de Minsky sur l'instabilité des marchés, la vision autrichienne du cycle des affaires conçue par Schumpeter, Von Mises et Hayek. Il procède à un diagnostic rigoureux des crises financières de 1987, de la crise japonaise des années 1990, de l'éclatement de la bulle internet de 2000, de la crise de l'immobilier et des subprimes de 2007-2008 et de la crise de l'euro de 2011. Il en conclut que les approches néo-classiques et keynésiennes ne sont pas dans l'ensemble vérifiées, mais que celles de Minsky et de l'école autrichienne s'avèrent en revanche pertinentes. Elles montrent que les politiques monétaires des banques centrales ont d'autant plus favorisé l'instabilité des marchés, que tous les investisseurs (firmes industrielles, banques, collectivités locales, ménages) ont pu massivement recourir à des financements spéculatifs (ou de type Ponzi) et ont ainsi alimenté une croissance factice. Ce cycle d'endettement a été encouragé par tous les établissements financiers, les fonds de pension et d'investissement, les banques d'affaires, les hedge funds, les agences de notation… L'encours de la dette mondiale (hors ménages) a ainsi atteint plus de 100 000 milliards $ au début de 2014. La démonstration convaincante de l'auteur rend d'autant plus urgente la révision des théories conventionnelles de la finance de marché.