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Un phénomène de mode a saisi les facultés : il faut enseigner l’histoire du Management. Près d’un siècle après la mort de Frederick Taylor - le 21 mars 1915 -, il était temps ! Alors que le centenaire du Marketing est passé totalement inaperçu en 2007, celui du Management donne déjà de multiples fruits. Car les arbres vénérables préfèrent croître à leur rythme pour produire enfin ; les racines poussent vers le sol, mais les fruits aspirent au ciel. Cette mode prend plusieurs formes. Institutionnelle d’abord, avec de nouvelles associations (AHMO de Yannick Lemarchand, IHPM de Jean-Pierre Mathieu) ou un renforcement de la division « Management History » de l’Academy of Management américaine : 400 spécialistes dirigés par une chercheuse trentenaire. Pédagogique ensuite, la mode envahit les amphis de première année dans une vingtaine de facultés publiques ou d’écoles supérieures privées. Ne manque plus qu’un doctorat spécialisé en la matière. Livresque enfin cet engouement saisit les éditeurs. Economica a sa collection d’histoire des entreprises, l’Harmattan sa série Les classiques de la Gestion, et Gualino a pris le train à son départ en 2011. Les grosses maisons ont plus d’inertie, mais s’y mettent aujourd’hui. Constatant l’émergence d’un marché qui se substitue peu à peu à celui des cours d’histoire de la pensée économique ou d’histoire des faits, la vénérable machine à éditer veut, elle aussi, surfer sur la vague et récupérer les embruns qu’auront laissé échapper d’autres paquebots de l’édition.

Ce livre correspond parfaitement à cette tendance, car il est destiné en priorité aux étudiants de première année, qui croient naïvement que le mot management est né en Amérique. Que nenni : l’histoire du domaine montre le contraire : le mot vient bien du vieux pays de France quand Prudent Le Choyselat (1569) ou Olivier de Serres (1600) parlaient de mesnagement des champs et des poulets. Entourés d’une quinzaine d’auteurs spécialisés, les coordinateurs ont produit une synthèse en deux parties. La première sur « Manager l’entreprise au XIXe siècle » avec six chapitres résumés par de simples verbes : Organiser, Vendre, Produire, Diriger, Financer et Evaluer.
Avec une longue introduction, cet ensemble fait 220 pages.
La seconde partie est plus ambitieuse, voulant « Manager l’entreprise aux XXe et XXIe siècles » en 244 pages. A nouveau un long prologue suivi de chapitres déclinés selon les mêmes verbes correspondant à la logique managériale : organiser l’entreprise, pré-vendre, produire sur commande, diriger l’organisation, financer la structure et évaluer les résultats obtenus. Chaque chapitre est accompagné d’une bibliographie étendue et d’exercices d’application. Une version électronique nomade est offerte en cadeau à chaque acheteur.
Le tout est un instrument de travail indispensable à qui veut découvrir le monde merveilleux de l’histoire managériale. Un regret cependant : que la période entre 1550 et 1815 soit passée par pertes et profits. Car le Management est un arbre pluri-centenaire dont les racines remontent loin dans le temps, l’espace et l’imaginaire des hommes de la Renaissance européenne. Ce livre doit donc être acheté en double exemplaire : l’un pour préparer ses cours en premier cycle, l’autre pour lire le soir avant de se coucher. Car l’histoire du Management est la bouture de la prospective de la Société de demain. Remarquons enfin la richesse de l’iconographie de ce livre, avec de très nombreux documents d’époque. Le passé laisse des traces et pas seulement dans la poussière des archives : la mémoire des revues et journaux est une source inépuisable pour les historiens du management. Que ce livre puisse donner lieu à l’apparition de vocations chez de jeunes étudiants en début de formation, et le doctorat spécialisé apparaîtra vers 2020. Venant de Paris-Dauphine et d’HEC Montréal pour les coordinateurs, ce livre est le résultat de la collaboration d’historiens « classiques » et de gestionnaires historiens pour les auteurs et collaborateurs. Les uns apportent l’érudition qu’il convient, les autres la claire compréhension des phénomènes managériaux. Dans une prochaine édition, il faudrait aussi ajouter un index des noms cités.