La revue Vie et Sciences de l'Entreprise (VSE) déjà classée FNEGE émergente en 2019 est maintenant classée FNGE 4 !!!

Vie et Sciences de l'Entreprise 195-196Résumé :

L'impact des chartes d'éthique en achat est abordé à partir de l'analyse de contenu qualitatif d'un corpus de chartes et de l'analyse du processus d'élaboration de la charte dans trois entreprises appartenant à l’indice Euronext SBF 120. Cet impact est également analysé à partir d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de 16 acheteurs de ces mêmes entreprises. Les analyses menées reposent sur la conception de la visée éthique de Ricœur (1990) : elle est utilisée ici comme modèle d'approche des discours et des démarches éthiques dans le domaine des achats. Un lien est établi entre la manière d'impliquer les acteurs à son élaboration et l'acceptabilité de la charte. Les principaux résultats de la recherche montrent que la charte en achat est insuffisante pour faire intégrer des comportements éthiques. Le message participe à rendre la charte en achat acceptable s’il comprend des valeurs que chacun puisse partager au quotidien, s’il implique et reconnaît l’humanité dans la relation avec les fournisseurs.

Mots clés :  Chartes d’éthique, acheteurs, cadres intermédiaires, relation fournisseurs, recherche qualitative

Abstract:

The impact of ethical charters in purchasing is analyzed from the qualitative content of a corpus of chart. The research focuses on the analysis of the development process of the charter in three companies belonging to the Euronext SBF 120. This impact is also analyzed using semi-structured interviews with 16 buyers of these companies. The study is based on the design of Ricoeur’s (1990) ethical approach which is used here as a model to speech and ethical approaches in the area of procurement. A link is made between the stakeholders’ involvement in the development and acceptability of the chart. The executives’ opinions may allow purchasing managers to draw lessons on the way charts may be constructed and their impact upon ethical purchase. The main results of this research show that the charter purchase is insufficient to incorporate ethical behavior. In addition, the message contributes to making the purchase charter acceptable if it includes values that everyone can share in his daily life, if it involves and recognizes the human aspects in the relationship with suppliers.

Keywords  : Ethical charters, buyers, middle managers, suppliers’ relationship, qualitative research

INTRODUCTION

Au début des années 1990, l’élaboration et la diffusion des chartes d’entreprises étaient considérées comme un effet de mode en gestion. L’outil permettait d’obtenir un label, une reconnaissance, une distinction et parfois une certification citoyenne (Le Goff, 1992). Pour Etchegoyen (1996), l’éthique s’est en fait imposée de plus en plus comme une évidence aux organisations : « l’entreprise qui se conduit « bien » n’a pas besoin de communiquer sur son éthique de façon artificielle. Elle se fait suffisamment connaître par le bouche à oreille des clients et des salariés ». Les questions posées par les chartes d’éthique en achat et leur élaboration constituent un phénomène relativement récent (Ho et Christian, 2012) favorisé par la loi relative aux Nouvelles Régulations Economiques (NRE) de 2001 (Deslandes, 2012). Ainsi, depuis une dizaine d’années, les sociétés cotées en France doivent rendre compte de la manière dont elles intègrent les conséquences sociales et environnementales de leur activité. Le décret d’application (février 2002) énumère une série d’indicateurs opérationnels qui doivent être communiqués par les entreprises. Parmi les informations attendues figurent notamment : la consommation des ressources et la prise en charge de la pollution, l’organisation du temps de travail, mais aussi l'importance de la sous-traitance et les relations avec les fournisseurs. Les rapports de développement durable font ainsi référence non seulement aux chartes d’éthique d’entreprise, mais aussi aux chartes d’achat. Cette déclinaison des chartes dans les principales fonctions de l’entreprise, notamment dans les achats, correspondrait au-delà des obligations légales, à la rupture de certaines évidences et justifierait ces formalisations et ces déclinaisons de l’éthique pour fournir des réponses possibles à une question essentielle : comment arriver à vivre ensemble en respectant autrui ?

Pour situer l’émergence des chartes dans le domaine des achats et afin de rompre avec cet a priori d’un acte opportuniste, la recherche suppose que le besoin d’une écriture découle aussi de la rupture de certaines routines organisationnelles à travers une transcendance réflexive (Putnam, 2013). Dans cette perspective, une « fracture de l’éthos » (Bourdieu, 1994) comme conséquence des différentes mutations (technologiques, stratégiques, organisationnelles) qui affectent l’environnement et le développement des entreprises viendrait justifier la production d’instances normatives en achat. Elles seraient chargées de dire ce qui allait auparavant sans dire, de décréter positivement le devoir faire afin de sauvegarder le consensus social (Quelquejeu, 1983 ; Gautier, 2001).

C’est à partir de ce positionnement que la problématique de recherche s’est construite. Elle peut s’exprimer de la façon suivante : dans la mesure où les entreprises ont trouvé utile la formalisation d’une éthique spécifique en achat, quelle est leur fonction et quelles sont leurs implications en matière de gestion des acheteurs et de leurs relations avec la chaîne de sous-traitance ?

L’analyse des réponses d’acheteurs de trois entreprises privées, obtenues lors d’entretiens semi-directifs portant sur les chartes d’éthique en achat dont ils sont les principaux destinataires devrait permettre de dégager des enseignements : choix des termes qui composent le texte de la charte, procédure d’implantation de cet outil de gestion et impacts sur les acheteurs.

L’article présenté aura ainsi pour objet de répondre à ce questionnement à travers quatre grandes parties. Le premier volet concernera l’approche théorique, le second portera sur la méthodologie d’étude des contenus des chartes d’éthique en achat, la troisième partie présentera les résultats de l’analyse des entretiens et le quatrième volet exposera les implications des chartes dans le domaine des achats.

LA PORTEE ETHIQUE EN ACHAT

 Les chartes ré-identifieraient l’éthos par l’intermédiaire de l’énoncé de normes et de valeurs communes rappelant comment il est convenu de vivre. Cette problématique, que l'on trouve au cœur de la réflexion éthique, se révèle être centrale dans les achats : elle conduit à organiser les rapports entre l’acheteur et sa communauté de travail tant interne qu’externe à travers la chaîne de sous-traitance. Ces rapports ont ainsi tendance à converger dans la mesure où le processus achat peut se décliner tant au sein de l’organisation qu’à l’extérieur. Chaque charte représente un modèle où convergent des idéologies, des représentations du réel ou encore des intérêts particuliers inhérents à l’histoire vécue des acteurs, des groupes ou des organisations (Louart, 1995 ; Anquetil, 2012 ; Deslandes, 2012).

Chaque entreprise exprime ainsi à sa manière ses valeurs à travers ses préoccupations éthiques, désormais déclinées dans le contexte des achats, et se positionne par rapport à ses cadres acheteurs et de façon élargie à ses donneurs d’ordre. Pour identifier ce positionnement et mieux comprendre les effets des chartes sur les cadres, il nous a paru possible de nous référer à la philosophie morale de Ricœur (1990). Nous avons analysé trois chartes en achats et les démarches éthiques de ces mêmes trois entreprises en nous appuyant sur la distinction que Ricoeur (1991) propose entre éthique et morale.

 Définissant ce qu’il nomme « visée éthique » par la « visée de la vie bonne avec et pour les autres dans des institutions justes », Ricœur considère plusieurs composantes à la problématique éthique : subjective, interpersonnelle et sociétale. Autrement dit, « il appartient à l’idée d’éthos d’embrasser dans une unique formule bien articulée, le souci de soi, le souci d’autrui, le souci de l’institution » (Ricoeur, 1990 : 202). Cependant, « la vie bonne est ce qui doit être nommé en premier parce que c’est l’objet même de la visée éthique. Quelle que soit l’image que chacun se fait d’une vie accomplie, ce couronnement est la fin ultime de son action. » (Ricoeur, 1990 : 203).

Même si l’estime de soi, qui résulte du sentiment d’accomplissement de sa vie, n’existe que par sa référence à autrui et à un cadre juste, la visée éthique est en premier lieu une visée individuelle. Il s’agit de faire émerger ce qui est bon pour soi, c'est-à-dire ce qui va permettre de construire une vie que l'on juge bonne pour soi, toujours dans la dialectique des relations interpersonnelles et institutionnelles. Le devoir intervient alors comme une formalisation normative des relations à autrui dans des institutions.

De façon plus précise, les acheteurs sont interpellés aux trois niveaux du questionnement éthique définis par Deslandes (2012) : le rapport à soi-même et à autrui (niveau micro-économique), le souci des fournisseurs et des autres parties prenantes (niveau meso-économique) et la relation « Business and Society » (niveau macro-économique).

La distinction que l’on fait généralement entre éthique et morale est, selon Deslandes (2012), le résultat d’une convention. Par convention, l’éthique se rapporterait d’abord à soi, tandis que la morale se réfèrerait plutôt à des normes perçues expliquant des interdits et des connotations négatives de cette dernière. Ainsi, « la morale porte sur le Bien et le Mal, considérés comme valeurs absolues ou transcendantes », explique Comte-Sponville (1994 : 185). Est alors « moral » celui qui s’attache d’abord à faire respecter des conventions, sans que le contexte ou les spécificités individuelles soient réellement envisagés. Pour Deslandes (2012 : 15), est éthique toute personne qui « oppose à la morale une sorte de morale en construction, une morale située dans un temps et dans un lieu, où la conformité au bien est renégociable ». La morale peut donc se définir en termes d’universalité et d’absolutisme propres à Forsyth (1980). L’éthique est plus relative et hypothétique. Elle propose à l’acheteur une distanciation à travers une prise de conscience, un jugement, une intention et une conviction dans le cadre de sa relation avec ses fournisseurs

L’éthique se différencie par ailleurs du concept de déontologie dans la mesure où elle intéresse des questions philosophiques qui concernent la morale, dépassant ainsi le cadre d’un simple exercice professionnel (Cardot, 2006). L’éthique se poserait comme un espace de réflexion et d’énonciation sur le rapport de l’homme avec une loi. Elle se définit comme un cadre d’interrogation. Elle déboucherait sur l’élaboration d’une morale pratique (De Bry, 2008), à remettre en question au fur et à mesure de son effectuation (Anquetil, 2012). L’éthique et la morale, chacune à leur manière, évoquent les questions du rapport (singulier) à la loi, en fonction de sa propre tradition, de ses propres repères culturels (Morin, 2005) et du respect des règles tenant aux institutions de la société. L’éthique en achat renvoie à la confrontation de lois internationales distinctes, de traditions différentes et exprime le défi spécifique de l’acheteur vis-à-vis de sa chaîne de sous-traitance internationale (Plank et al., 1994 ; Razzaque et Hwee, 2002 ; Husser et al., 2013).

Le management éthique se décline désormais en chartes d’entreprise. Le terme de charte vient du mot carte (du grec Khartès), et évoque avant tout un support écrit, une formalisation issue d’une longue réflexion à propos du rapport entre soi et autrui. Selon Gautier (1998), la charte présente un ensemble de valeurs, donc une référence à la culture d’entreprise ce qui n’est pas le cas dans un code de déontologie qui fait plutôt référence à la culture d’un métier. Le code se distingue des chartes par le fait qu’il présente des interdits inhérents à l’exercice professionnel. Ces deux écrits présentent des devoirs, des obligations, mais le code de déontologie semble avoir un caractère plus autoritaire que la charte, plus régulateur au sens d’une référence à la loi, tandis que dans la charte, la régulation viendrait d’un principe supérieur, celui de l’adhésion aux missions et aux principes d’action de l’entreprise. Le code de déontologie comprend un exposé d’interdits, ce qui n’est pas théoriquement le cas dans les chartes d’éthique. Pour Gautier (1998 : 50), « la déontologie pourrait être considérée comme une écriture des cas de conscience, mais elle ne peut pas tout codifier. Elle constitue une écriture du bon exercice du métier et des relations entre professionnels ». Le code de déontologie peut comporter des orientations vers des valeurs en même temps que des prescriptions et des interdits. Ainsi, un code de déontologie appelle à rester, dans un exercice professionnel bien précis, en conformité avec la loi, et prévient des sanctions prévues en cas d’infraction des lois applicables.
Pour Perrot (1992 : 132) l’éthique « vise l’application de la morale aux situations concrètes. Elle est le fruit de la conscience confrontée aux conflits de devoirs… L’éthique, quel que soit son lieu d’application, se fonde toujours sur la conscience interrogée par les dilemmes de la vie en société ».
Il n’est ainsi de véritable éthique que celle qui débouche sur une sagesse proposant une réflexion pratique. La charte d’éthique en achat n’échappe pas à ce courant de pensée. Elle est donc appelée à être, certes un document de référence, mais aussi un écrit amené à être en révision, en mutation, incluant des cadres réflexifs et des propositions de changements à venir et non de simples énonciations de règles et d’interdits à suivre par les acheteurs, les acheteurs leaders, sous la supervision du directeur des achats.

Les chartes comprendraient donc généralement des valeurs et des normes et intègrent deux composantes de l’éthique (Mercier, 1999) :

  • Une composante téléologique représentée par des valeurs énoncées. Les chartes d’éthique renvoient ici à ce qui est désirable ou à réaliser, ce vers quoi les acheteurs doivent tendre dans le contexte de la fonction achat.
  • Une composante déontologique affirmée que les règles de comportement clairement définies et suffisamment complètes sont chargées d’indiquer en encadrant les décisions et les actions quotidiennes des acheteurs.

Que disent les chartes achat sur la place laissée à l’acheteur et comment le reconnaissent-elles ? Comment articulent-elles le respect des personnes et le respect des règles entre acheteurs et fournisseurs ? En cas de conflit entre les deux, que proposent-elles ? Proposent-elles aux acteurs une interrogation permanente sur les pratiques en offrant une possibilité de faire évoluer la charte ? Comment les chartes permettent-elles de gérer les conflits inévitables de la vie en entreprise et, par là même, de faire évoluer son propre texte ? Autrement dit favorisent-elles l’ouverture d’un espace de réflexion ou closent-elles un espace déjà là qui a besoin de se réaffirmer ?

Nous avons analysé un corpus de trois chartes achat en évaluant la part des aspects téléologiques (correspondant à la visée, aux valeurs exposées dans la charte) et déontologiques (correspondant aux normes, aux règles et aux interdits de la charte) de leur contenu. Notre hypothèse était que du positionnement éthique de la charte en achat sur un versant téléologique ou déontologique pouvaient dépendre les réactions des acheteurs à cet objet. Le versant téléologique devrait recevoir en principe un accueil plus favorable de la part des salariés parce qu’il s’accorde a priori davantage à leurs valeurs professionnelles : indépendance, imagination, tolérance, respect, responsabilité, estime de soi (Harding et Hikspoors, 1995).

Par ailleurs, nous avons cherché si les démarches de production de la charte en achat correspondaient à cette vision de l’éthique qui suppose la prise en compte du point de vue des acteurs et de leurs attentes. L’étude des chartes d’éthique achat nous conduisait tout naturellement à questionner les règles de production des règles (Louart, 1995) : la charte relevait-elle d’un acte consensuel, s’apparentant à une convention ou d’un acte unilatéral de la direction de l’entreprise donneuse d’ordre, la rendant assimilable à un règlement intérieur ?

Dans cette problématique, l’éthique en achat ne peut se résumer à un ensemble de règles strictes énoncées avec autorité ou de manière dogmatique, ce qui pose la question de la légitimité de l'autorité instituant les normes, donc de la légitimité des normes (Husser, 2013). Cette problématique classique dans le contexte des achats dépasse la seule question de la reconnaissance d'une autorité : elle implique que cette autorité argumente ce qu'elle prétend instituer. L'institution doit aujourd'hui rendre compte de la raison de son autorité sur les acheteurs et les sous-traitants et chaque individu doit aussi la rendre légitime et manifester explicitement son acceptation.
C'est encore plus vrai pour l'entreprise qui n'est pas réellement habilitée à établir une morale, mais doit d'abord accepter les règles des parties prenantes. N'étant pas plus habilitée qu'une autre institution à instituer des normes morales, l'entreprise ne peut faire fonctionner son discours sans légitimation, sinon son code éthique en achat s'apparenterait à un règlement s’imposant à toutes les parties prenantes (Kustosz et Louart, 2011). L’étude menée a alors émis l’hypothèse du lien entre l’intégration de la charte (reconnaissance de fait de sa légitimité) et les modes d’implication des acteurs dans son élaboration à travers leurs « appétits sensibles ». L’étude menée a saisi les représentations et les réactions des acteurs qui cherchent à donner du sens à leur activité quotidienne (Moles, 1976) à travers l’élaboration des chartes d’éthique en achat.

2. ELEMENTS D’ANALYSE DE CONTENU : LES CHARTES ACHAT ENTRE ETHIQUE ET MORALE

La recherche, réalisée pendant 6 mois à partir d’entretiens auprès de 16 acheteurs de 3 entreprises d’analyses de chartes d’éthique en achat produits pendant cette période, correspond aux critères d’une démarche par étude de cas (Wacheux, 1996 ; Hlady-Rispal, 2002). Elle est en effet construite de façon multiangulatoire : analyse documentaire et analyse d’entretiens semi-directifs. Elle a pour objet de comprendre l’impact de la production de chartes d’éthique spécifiques aux achats auprès des acheteurs dans un contexte donné. Pour Wacheux (1996 : 89) : « L’étude de cas est appropriée lorsque la question de recherche commence par pourquoi… ou comment (processus, enchaînement des événements dans le temps). Elle permet de suivre ou de reconstruire des événements dans le temps (la chronologie), d’évaluer les causalités locales… et de formuler une explication (puis de la tester auprès des acteurs) ».

La recherche menée a retenu 3 études de cas. Ce nombre correspond à celui qui est communément admis par la communauté scientifique. Ainsi, Eisenhardt (1989) avait présenté une première liste de travaux opérant par études de cas. La comparaison de ces différentes recherches (Burgelman, 1983 ; Mintzberg et McHugh, 1985) avait mis en évidence la richesse des approches retenues (nombre de cas, thèmes étudiés, types de données utilisés, nombre de chercheurs engagés, données de l’étude, résultats obtenus et objectif théorique suivi). Le nombre d’études de cas recensées variait de 1 à 6.
De façon plus récente, pour Hlady-Rispal (2002) et Wacheux (1996), le nombre d’études de cas varie de 2 à 6. En effet, le statut du cas unique fait l’objet de controverses. Certains considèrent que les connaissances produites par l’étude d’un cas unique sont idiosyncratiques et donc impropres à la généralisation. D’autres comme Pondy et Mitroff (1979) considèrent que la construction d’une théorie à partir d’un seul cas est tout à fait sensée et que le cas unique peut être source de généralisation scientifique sur les organisations. Une étude de cas simple peut être réalisée de façon détaillée par l’analyse locale de tous les éléments constituants ou, de manière holistique par l’étude de points spécifiques en fonction d’une question de recherche, comme l’étude de cas développée par Gombault (2000) pour le Musée du Louvre.

Il convient pour Hlady-Rispal (2002) de choisir une variété d’études de cas, c’est-à-dire une variété de contextes qui décrivent un phénomène précis. Les trois entreprises choisies dans le cadre de la recherche présentée appartiennent au secteur de l’hôtellerie, de la restauration et de la grande distribution. Il s’agit de Carrefour, Danone et Accor. Ces trois sociétés correspondent à la recherche de variété de secteurs d’activité. Elles présentent également un département achat conséquent (plus de 200 cadres) permettant un accès au réel (Wacheux, 1996). Pour Grawitz (1996) et pour Thiétart et al.(2003), le nombre d’études de cas dépend de la saturation théorique obtenue. Une étude de cas supplémentaire n’apparaît pas comme nécessaire si les données recueillies sur la dernière étude de cas n’apportent qu’un complément marginal par rapport aux données collectées antérieurement.

 Le choix des personnes interviewées a été effectué en recherchant le critère de validité pratique (Wacheux, 1996) inhérent à la recherche qualitative menée. Plus précisément, il s’agissait dans un premier temps d’identifier les acheteurs « leaders » participant à la construction des chartes d’éthique spécifiques aux achats. Ces acheteurs sont considérés comme des cadres intermédiaires c’est-à-dire responsables d’équipe d’achat ou responsable de famille d’achat. Ces cadres ont reçu une proposition de protocole de recherche et ont accepté de répondre aux interviews et de participer à un retour d’analyse. Les cadres interviewés apparaissent dans le tableau suivant :

 Tableau 1 : Répartition des acheteurs interviewés

  Répartition des acheteurs interviewés

Afin de repérer la nature éthique achat ou morale du discours tenu dans la charte, nous avons plus particulièrement étudié les thématiques suivantes lors des entretiens menés :

  • responsabilité de chacune des parties prenantes (acheteur et fournisseur),
  • confiance dans la relation client-fournisseur,
  • respect et devoirs des deux parties au sein d’un contrat/partenariat.

Ces notions, représentant des valeurs actuellement centrales dans la réflexion de l’éthique en achat (confiance entre les parties prenantes, transfert de responsabilité) ou encore des concepts centraux de la philosophie morale (respect, devoir), sont apparues dans ces chartes et ont fait l’objet de questions semi-directives posées aux acheteurs.

La responsabilité, indissociable du respect et de la confiance, peut être considérée par les acheteurs comme ce qui pourrait être substitué à une logique de l’obéissance aujourd’hui reconnue obsolète (Guiraud, 1990). La responsabilité est entendue comme la capacité de répondre de ses actes avant d’être entendue comme une faute, une culpabilité résultant d’une décision ou d’une action.

La confiance est rapportée aux donneurs d’ordre, mais aussi et surtout aux fournisseurs, mise comme fondement des relations interpersonnelles ou promise comme guide des relations de sous-traitance avant d’être associée aux relations avec toute la chaîne de sous-traitance. Elle comporte alors un objectif économique explicite de réputation.
Le contenu des chartes montre que le respect concerne prioritairement les fournisseurs avant de s’intéresser au cas des acheteurs face aux lois, règles, règlements.

Sur l’ensemble de notre corpus de chartes en achat, seulement deux indiquent comment elles ont été élaborées (Carrefour, Danone) : en concertation avec quelques représentants des acheteurs. Ce résultat ne nous permet pas de valider l’hypothèse d’un lien entre le mode d’implication des acheteurs à l'élaboration de la charte et son contenu : plus elle se situerait sur le versant téléologique de l’éthique achat, plus les acheteurs auraient été sollicités à son élaboration. L’enquête reste donc à poursuivre dans un nombre plus grand d’entreprises de notre corpus.
La recherche menée a voulu vérifier si le contenu de la charte et la démarche adoptée pour sa construction avaient une incidence sur son acceptation. Nous admettions également qu’un contenu déontologique pouvait être tout autant acceptable qu’un contenu téléologique à partir du moment où il avait été conçu par les acteurs. La variable indépendante « implication dans l’élaboration de la charte » que nous avons graduée en quatre niveaux (information orale, réunion de discussion, consultation, concertation) nous paraissait a priori plus déterminante de l’acceptabilité de la charte que le contenu de la charte lui-même.

Deux des entreprises étudiées plus précisément possèdent un ensemble de documents se situant sur un versant plus éthique que moral. La troisième se situe sur le versant déontologique de l’éthique achat. Les deux premières ont sollicité l’ensemble des acheteurs (Accor) ou une partie de leur encadrement (Carrefour) pour élaborer leurs documents. La troisième (Danone) a établi sa charte en réunissant ses acheteurs leaders et des membres de la direction du groupe. La recherche menée se propose d’étudier les conséquences sur l’acceptabilité de la charte, qui ressortent de chacune de ces situations.

3. LES EFFETS DES CHARTES D’ETHIQUE EN ACHAT SUR LES CADRES

 Dans un premier temps, nous avons mené une analyse qualitative de contenu des chartes d’éthique en achat. Elle s’est déclinée en analyse sémiologique à partir des acteurs clefs cités, puis à partir d’une analyse thématique. Un extrait du relevé sémiologique est présenté dans le tableau suivant :

 Tableau 2 : Extrait du relevé des destinataires et des personnes impliquées dans les chartes

 

 L’analyse de contenu centrée sur les actants débouche sur deux considérations principales. La première concerne les acheteurs qui sont rarement cités ; ils sont quasiment absents des chartes d’éthique en achat. Les sociétés préfèrent s’adresser à l’ensemble des « collaborateurs » ou des « donneurs d’ordre » plutôt que de se centrer sur les « acheteurs ». Les entreprises semblent s’intéresser davantage au contrôle de la relation avec les clients et les fournisseurs.
La seconde considération concerne la chaîne de sous-traitance. L’analyse sémiologique menée à partir des actants montre non seulement la primauté accordée aux fournisseurs, mais aussi la responsabilité qui leur est implicitement attribuée. Le contenu fixe ainsi aux fournisseurs un cadre contraignant à travers un engagement à respecter.

 Ce premier niveau d’analyse a permis de faire émerger 6 grandes thématiques rencontrées dans les chartes des achats :

 divulgation d’une « équation de valeurs » de la société et de la fonction achat,

  • intégration du concept de « droits de l’Homme » à la chaîne de sous-traitance,
  • hiérarchisation des devoirs des parties prenantes, énonciation des engagements de l’entreprise,
  • déclinaison des modalités de contrôle de la relation avec les fournisseurs,
  • exposé ou rappel des principales conduites professionnelles à tenir.

 Les 3 chartes en achat s’inscrivent dans la formalisation d’une éthique qui s’éclaire de la tension entre ordre social à gérer, zones économiques d’achat en mutation, et différences culturelles à prendre en considération. La charte d’éthique en achat constitue une tentative de renforcement de la cohésion entre l’entreprise et sa chaîne de sous-traitance à travers le partage des mêmes valeurs universelles et des mêmes règles. Elle constitue une tentative de stratégie d’intégration en amont de la chaîne de sous-traitance tout en maintenant les avantages de son externalisation. Les 3 chartes étudiées présentent un contenu où les actions (précises et prescriptives) sont précisées après que les valeurs de l’entreprise sont présentées. Il est intéressant d’observer que ces valeurs sont agencées autour de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et la défense des droits de l’homme. La recherche menée avance l’idée selon laquelle la loi 2001-420 relative aux Nouvelles Régulations Economiques (NRE) a fortement contribué à structurer les valeurs des sociétés françaises cotées en bourse autour de celles de la RSE.
Nous avons ensuite analysé nos quarante-six entretiens de cadres à partir des trois dimensions propres à la représentation que sont l'information sur, l'image de et l'attitude envers l'objet considéré. Ces trois dimensions représentent autant de fonctions de la représentation : « la fonction cognitive d'intégration de la nouveauté, la fonction d'interprétation de la réalité et la fonction d'orientation des conduites et des rapports sociaux. » (Jodelet, 1990 : 372). Les acheteurs interviewés ne sont pas spontanément surpris par la dénomination « donneurs d’ordre » qui remplace « les acheteurs ». Ils se montrent plus concernés par l’information définissant la relation acheteur-fournisseur et la gestion quotidienne de cette relation.

 L'information correspond à l'organisation des connaissances sur un objet par un individu ou un groupe. Il s'agit du contenu cognitif de la représentation qui peut être plus ou moins riche, plus ou moins varié ou stéréotypé, plus ou moins cohérent selon les sujets ou les groupes. Il s’agit aussi d’étudier les effets de modalités communes entre clients et fournisseurs dans un contexte aux frontières élargies et dans lequel les valeurs, coutumes, références sociales et habitudes quotidiennes ne sont pas nécessairement convergentes. Cette écriture commune oscille, selon Ogien (2007), entre une vision minimaliste et une vision maximaliste de l’éthique, c’est-à-dire entre le fait de ne pas nuire à autrui et de ne pas nuire à soi-même.

 On s'aperçoit que selon l'entreprise, le contenu cognitif ne s'organise pas de la même manière. Chez Carrefour et Accor, les personnes répondent en « collant » au texte de la charte jusqu'à en citer des passages très précis : cadeaux, voyages et droits de l’homme. Le concept des droits de l’homme opère comme un point d’ancrage fort chez les cadres interviewés.

Chez Danone, peu d'éléments et à peu de reprises seulement, des passages du contenu sont reproduits par les personnes interviewées. L'un des cadres ira jusqu'à dire que « ce qui est important n'est pas le contenu de ce document, mais le fait de l'avoir signé ». En revanche, certains cadres donnent plus spontanément une explication de sa production, ils lui attribuent un sens (à quoi il sert, quel moyen il représente, ils cherchent des causes à son apparition, ils le justifient). On se trouve face à un processus d'inférence causale ou de recherche de causalité par imputation, qui laisse entendre un effort de rendre concordant cet objet qui est la charte en achat avec celui ou celle qui y porte un regard. Ce manque de concordance est conforté par les réactions défensives qui consistent à affirmer que le contenu de la charte ne les concerne pas, qu'ils ont toujours fait ce qu'elle prône. Vingt sur les vingt-neuf cadres interrogés revendiquent à plusieurs reprises leur moralité personnelle à l’occasion de l’entretien.
L'image ne constitue pas un simple reflet ou une reproduction. Elle livre un ensemble de significations et d'idées qui indiquent un rapport singulier à l'objet considéré. L'image est porteuse de sens ; elle tente, par un effet de condensation/substitution de clarifier une chose obscure. Les processus en jeu dans la représentation ont pour fonction à la fois « de découper une figure et de la charger d'un sens, d'inscrire l'objet dans notre univers, c'est-à-dire le naturaliser, et de lui fournir un contexte intelligible, c'est-à-dire de l'interpréter. » (Moscovici, 1976 : 64). Cet aspect figuratif de la représentation comprend aussi bien les métaphores que les assertions sur l'objet. Nous situons dans cette dimension les fonctions que les acheteurs interviewés accordent à la charte.

L'attitude indique l'orientation plus ou moins favorable par rapport à l'objet considéré.Ce découpage montre les éléments qui vont s'articuler pour faire que la représentation apparaisse comme un processus d'élaboration cognitive et symbolique qui va orienter les comportements des acheteurs.

C'est en tenant compte de ces dimensions que nous avons analysé nos entretiens semi-directifs. Découvrir les représentations devait permettre en même temps d'évaluer les effets de la constitution des chartes sur les acheteurs. Que la charte d’éthique en achat entraîne la production d’un discours est en soi un effet. Les représentations, considérées comme prélude à l’action, devaient de surcroît indiquer si l’objet en question avait pour les cadres une « valeur d’usage », autrement dit s’ils étaient prêts à s’en servir. D’ailleurs, la plupart des cadres interviewés situent la charte par rapport à un usage possible : ils essaient d’identifier ses fonctions, ses rôles ou son caractère opérationnel. Ainsi, nous avons considéré que les représentations avaient à la fois une valeur heuristique pour la recherche et prédictive d’un comportement présent ou à venir. Le tableau suivant présente un résumé de nos résultats :

Tableau 3 : Effets des chartes en achat sur les acheteurs

Sur l'ensemble de l'échantillon, un peu plus d’un quart dit ne pas se servir de la charte. Qu’ils n’en fassent pas usage ne veut pas pour autant dire qu’ils ne montrent pas une attitude favorable à la charte ou qu’ils ne lui trouvent pas une opérationnalité. Dans l’ensemble de ces trois échantillons de cadres, nous n’avons pas trouvé d’attitudes essentiellement négatives. Nous n’avons pas d'attitudes franchement négatives, mais favorables ou ambivalentes. L'ambivalence signifie un questionnement sur le bien-fondé d’une telle publication, une mise en évidence de ses limites en même temps que la reconnaissance de son utilité.

Même si la taille des échantillons est trop limitée pour proposer des généralisations, nous pouvons cependant établir à partir de nos résultats et dans la limite des personnes interviewées, une relation entre le niveau d’implication dans la démarche et l’usage de la charte achat : chez Danone, aucun cadre ayant au moins participé à des réunions de sensibilisation sur l’éthique achat ne rejette l’idée d’un usage de la charte ; chez Carrefour une majorité qui n’en fait pas usage a seulement participé à des réunions discussion et ceux qui en font usage ont au moins été consultés. Chez Accor, tout le personnel a participé à l’élaboration du projet et tout le monde semble l’utiliser. Il n’en est pas de même pour l’orientation et la reconnaissance d’opérationnalité. Le niveau d’implication dans la démarche éthique achat et l’usage qui est fait de la charte ne signifie pas pour autant une position essentiellement favorable à la charte. Chez Danone parmi les acheteurs qui disent en faire usage tout en manifestant une position ambivalente, deux ont été informés, trois ont participé à des réunions-discussions sur l’éthique achat, deux ont été consultés. Chez Carrefour les deux acheteurs qui disent en faire usage tout en manifestant une orientation ambivalente ont participé à la concertation pour son élaboration.

Parmi les acheteurs qui n’en font pas usage et qui offrent une orientation ambivalente, c’est à dire qui en questionnent l’opérationnalité, l’opportunité d’en faire usage ou encore son utilité, on trouve quatre types d'arguments :

- la charte achat est contraignante pour l’activité professionnelle : cette idée est partagée par quatre personnes et correspond à l’esprit des documents produits, plus proches d’une éthique du devoir que de la visée éthique en achat telle que nous l’avons définie ou d’une éthique achat qui associerait conviction et responsabilité personnelle ;
- la charte est globale et trop vague pour s’en servir dans les actions quotidiennes menées auprès des fournisseurs : ce point de vue est partagé par deux cadres du Groupe Carrefour qui soutiennent en même temps que la généralité des principes est nécessaire pour construire une relation avec des sous-traitants internationaux. L’exposé des droits humains est très apprécié même « s’il faut trouver une articulation dans la pratique quotidienne ».
- la charte en achat est insuffisante pour faire intégrer des comportements éthiques : pour les deux personnes de Danone qui expriment cette idée la charte a un côté limité et représente une dépense peu pertinente, car elle ne débouche que sur quelques recommandations (invitations, repas d’affaires, voyages proposés, conflits d’intérêts) et une interdiction portant sur les cadeaux des fournisseurs.
- il est excessif de parler d’éthique en achat : cette remarque de deux acheteurs de Danone s’accompagne d’un questionnement sur le droit de l’entreprise à dicter la morale auprès des fournisseurs. Une éthique en achat mérite une implication d’un panel fournisseurs lors de son élaboration.

Ceux qui n’en font pas usage, mais qui montrent une orientation favorable à la charte, n’excluent pas le fait de pouvoir s’en servir, mais comme trois personnes de Carrefour le diront, elles n’y pensent pas tous les jours et leur action quotidienne n’est pas orientée en permanence par ce document.
Ce n’est pas pour autant non plus que les acheteurs oublient leur responsabilité professionnelle. Il semble que la charte ne change rien à leur conception de leur mission. Il en est de même pour une personne de Danone qui dit n’avoir pas besoin de ressortir la charte pour savoir si elle est en « droite ligne d’accord avec son contenu ». S’occupant de la démarche qualité, elle situe l’éthique achat en amont de cette démarche, autrement dit, elle a déjà intégré la nécessité de certains comportements, comme le respect des engagements. Enfin, une autre personne de Danone, pense que la charte et le code concernent d’abord l’activité commerciale.
Par ailleurs, tous ceux qui ont participé à la concertation, c'est-à-dire tous ceux qui ont pu prendre avec d’autres la décision d’une écriture même incrémentale de la charte achat en font usage. Parmi ces neuf cadres sur les dix interviewés, six ont de la charte une représentation favorable. Parmi les trois autres personnes qui ont été associées à la concertation, deux cadres de Carrefour auraient souhaité un document plus précis sur les comportements professionnels, tout en reconnaissant que pour fonder un groupe international, la forme actuelle très générale des principes d’action est pertinente.
Parmi ceux qui en font usage et présentent une orientation ambivalente, trois acheteurs évoquent le côté peu pratique du document au quotidien, un autre refuse son usage quasiment directif. Pour les autres cadres appartenant au département achat de Danone qui se situent dans cette catégorie, deux ont manifesté leur éthique personnelle en cours d’entretien et pensent qu’ils n’ont pas besoin de la charte ou du code pour eux-mêmes. Ils connaissent déjà les comportements convenables de par l’expérience acquise sur le terrain. On entend également de la part des acheteurs les raisons suivantes : document contraignant pour l’activité, document flou qui peut pousser au tout ou rien, danger d’un excès de documents, document qui limite trop l’engagement personnel de l’acheteur. Quatre autres cadres soutiennent à l’inverse que la charte ne comprend pas de règles trop strictes et engage à plus de responsabilité. Le bon usage des règles en cohérence avec le contexte de gestion quotidien de l’acheteur vis-à-vis de la diversité des exigences de sa situation quotidienne apparaît comme décisif.

 L’interrogation sur ces différents documents a été l’occasion pour les acheteurs de parler de leur entreprise et il ressort de ces entretiens au moins deux problématiques communes à chacune :

- la problématique du changement des comportements professionnels : elle consiste chez Danone à intégrer des comportements plus conformes aux réglementations en vigueur, notamment lorsque les fournisseurs sont non européens. Chez Carrefour, elle consiste à se montrer plus dynamique dans les pratiques pour améliorer le positionnement concurrentiel. Chez Accor, elle consiste à accepter une organisation moins cloisonnée et l’orientation vers plus de transversalité dans les relations de travail ;
- la problématique de la cohésion interne : dans les trois entreprises considérées, la charte en achat, les principes d’action ou le projet sont reconnus comme des outils de management des fournisseurs et contribuent à assurer leur adhésion. Ils y contribuent également en tant qu’outils permettant d’instaurer la confiance : la charte d’éthique achat de Danone semble avoir participé à la restauration de celle-ci en interne ; les principes d’action de Carrefour manifestent la confiance accordée aux hommes appartenant au Groupe ainsi qu’aux fournisseurs ; le projet pour Accor est porteur de cette volonté d’établir les relations professionnelles sur cette base et précise le chemin par lequel il y a peu de chances de s’égarer. Pour les trois sociétés, la confiance se manifeste en transmettant au fournisseur de rang 1 la responsabilité de la sous-traitance en cascade et l’adhésion de toute la chaîne logistique aux valeurs liées aux droits de l’homme.

 Trois autres problématiques peuvent être dégagées de ces différents discours, plus spécifiques à Danone :

- la problématique de la réputation vis-à-vis des partenaires extérieurs ;
- la problématique de l’exemplarité. Celle-ci est autant indissociable de cet aspect de la réputation à maintenir vis-à-vis du public que de la confiance mutuelle entre les différents niveaux d’acheteurs dans le processus achat ;
- la problématique de l’infaillibilité. Quand un problème éthique est résolu avec succès, il y a encore souvent des débats pour savoir si la solution couronnée de succès peut être attribuée aux problèmes éthiques suivants qui ont l’air semblables.

On s’aperçoit que parler d’éthique achat, et plus précisément, qu’imposer des règles de conduite en achat, suscite aussi des réactions défensives de la part des acheteurs. Cet effet est manifeste à Danone mais aussi chez Accor lorsqu’on évoque avec les acheteurs le code de conduite du Groupe. Une charte trop rigide ne peut-elle avoir pour effet un refus de questionnement de la part des acheteurs visés, suivi d’un renoncement à répondre à un discours relevant du registre de l’injure ou du mépris ? Sans doute, comme le mentionne l’un d’entre eux, convient-il au moins de se demander s’il n’y avait pas quelques problèmes pour que surgisse le besoin de formaliser une éthique dans le domaine spécifique des achats.

 Enfin, la nécessité de poursuivre la démarche (et a fortiori le questionnement sur l’éthique en achat) est affirmée par neuf des cadres interviewés : quatre chez Carrefour et cinq chez Danone. Ce souhait émane pour l’essentiel des personnes les plus critiques vis-à-vis de ces documents. Elles en pointent les limites ou l’insuffisance pour entraîner des changements comportementaux et un questionnement de fond sur l’éthique en achat elle-même. Bien que la majorité des personnes de cet échantillon reconnaisse que ces documents concernent tous les personnels, trois seulement suggèrent clairement l’intérêt d’impliquer l’ensemble du personnel dans la démarche éthique achat.

L’un des acheteurs du groupe Accor nous laisse cependant entendre qu’à peine une moitié des personnes a de l’avenir une vision claire malgré la participation au projet d’élaboration de la charte en achat. On peut, à partir de là, supposer que toutes les personnes n’ont pas manifesté une implication forte dans la conception des chartes.

Au final, l’ensemble des 3 cas étudiés montre que les chartes en achat sont intégrées de façon très nuancée par les acteurs de la fonction achat. Le « concupiscible » et l’« irascible » apparaissent de façon simultanée dans la démarche d’observation-participante menée auprès des acheteurs. Dans les 3 sociétés observées, les acheteurs manifestent un pouvoir réceptif fort, témoignage de leur appétit sensible cherchant ce qui leur convient en situation. Il représente cet acte fondateur qui recherche les biens sensibles, porte à les apprécier et suscite ou non leur inclination à leur égard. Les éléments de « reporting » et les composantes de la relation avec les fournisseurs sont appréciés sous cet angle. Dans le même temps, le concupiscible incline l’acheteur à fuir le mal sensible et fait naître cette aversion à l’égard de ce qui pourrait agresser l’être sensible. Cette inclination s’est observée à travers l’évocation des leviers de négociation pour obtenir des baisses de prix, les stratégies d’enchères électroniques « e-auction » et la thématique de l’assurance qualité.

4. IMPLICATIONS DES CHARTES D’ETHIQUE EN ACHAT

Une première conclusion concerne les réactions que suscite la charte achat en fonction du besoin spécifique auquel elle répond : cet effet est à associer à un critère de recevabilité, en termes de jugement d’opportunité. La charte serait recevable, car jugée nécessaire par les acheteurs, à un moment de gestion stratégique de la chaîne de sous-traitance, les collaborateurs percevant et comprenant les motifs ou l’intention qui a guidé sa conception. Les problématiques contenues dans la charte sont bien intégrées par les acheteurs du groupe Accor et de Carrefour qui sont des entreprises traversant une période d’évolution de la fonction achat (regroupement des différents domaines d’achat). Chez Danone le questionnement ne manque pas sur l’opportunité de la production d’une charte en période de transition forte prenant la forme d’une restructuration internationale de la fonction achat.
Si les effets de la campagne « éthique achat » sont jugés positifs et la charte reconnue utile, son établissement dans l’urgence, sans véritable consultation, se trouve critiqué par de nombreux acheteurs. Comment juger de ce qu’il convient de faire lorsque l’on est éloigné du terrain ? La direction générale des achats peut tirer de cette question quelques enseignements. Cela n’est pas sans implication sur la recevabilité de la charte, a fortiori sur son usage potentiel ou encore sur l’appréciation de son utilité.

 La charte serait recevable, car attendue ou souhaitable ; elle s’avérerait d’évidence pertinente. La pertinence touche les aspects opérationnels et gestionnaires des achats qui désignent la qualité des moyens d’action, c’est à dire des méthodes, des techniques, des procédures incluant du « reporting ».

L’efficacité des chartes, leur perception comme outil adéquat ou leur succès en termes de recevabilité, ne sont pas non plus étrangères à leur contenu. La charte devient alors une communication qui arrive sans ambiguïté à son destinataire, un message bien reçu, quand on a veillé à ce qu’il soit pris pour ce qu’il est, à savoir un ordre, une valeur ou une interdiction. Cependant, ces précautions de forme dans la construction de l’énoncé ne constituent pas une garantie suffisante de recevabilité. Que l’objectif d’un acte de discours soit une conséquence est certes évident, mais cette conséquence dépend-elle seulement de l’énonciation d’un locuteur et de la manifestation forte de son intention ? De plus, nous ne savons jamais à l’avance si l’énonciation aura l’effet qui en était attendu. L’efficacité de la charte en achat devient alors relative : produit-elle l’effet attendu ou simplement, comme tout autre objet, est-elle dotée d’influence ?
A côté des critères d’opérationnalité, en amont et en aval de son élaboration, le contenu du message peut cependant contribuer à rendre la charte en achat acceptable et à partir de là, engageante et intégrative tant pour les acheteurs que pour les fournisseurs. Si dans les faits la charte a cette double conséquence, il devient dès lors intéressant d’« exploiter » les normes morales.

A partir des réponses des acheteurs, la recherche émet la proposition selon laquelle le contenu du message participe à rendre la charte acceptable :

- S’il comprend des valeurs que chacun puisse partager dans sa quotidienneté d’acheteur ;
- S’il implique et reconnaît l’humanité dans la relation avec les fournisseurs ;
- Si les termes et principes qu’il présente ne dérogent pas aux actes classiques de l’organisation interne des donneurs d’ordre ;
- Si les termes et principes qu’il promeut sont en cohérence avec les contraintes inhérentes à la gestion de la sous-traitance ;
- Si d’autre part il ne se contente pas de prescrire des comportements ou des solutions rigides à chaque cas de manquement à l’éthique achat des affaires, mais propose une articulation de la visée (niveau argumentatif) à la norme (niveau procédural), et débouche sur une sagesse pratique qui permet au jugement moral de s’exercer en situation et en contexte (niveau décisionnel), se différenciant en cela d’un simple code de déontologie.

Certaines chartes, comme celle de Carrefour, s’abstiennent même d’énoncer des directives professionnelles strictes, considérant que le rôle de l’éthique achat n’est pas celui d’un code de déontologie, mais de trouver des réponses aux contradictions entre les exigences morales et les situations professionnelles. L’éthique achat, en effet, n’est pas réductible à l’obligation morale qui signifierait l’impossibilité pour le sujet de décider autrement que suivant une règle impérative.

Il ne s’agit donc pas de prendre le risque de se passer d’un ensemble de règles, mais d’ouvrir à la possibilité d’un traitement au cas par cas, en référence aux règles déjà éprouvées dans des situations passées et en référence à la situation présente.

Située entre le souci de réputation et les règles juridiques, la charte en achat présente une fonction méta contractuelle : les aspects moraux sont alors considérés comme tout aussi indispensables pour susciter l’acquiescement et l’engagement que ses aspects légaux et constitueraient un critère d’acceptabilité de la charte en achat. Or il apparaît que pour un ensemble de personnes interviewées l’entreprise n’a pas à dicter la morale et que l’éthique en achat constitue davantage un questionnement renouvelé sur les pratiques changeantes que des réponses toutes faites et immuables. On voit se dessiner ici les implications matérielles pour la gestion des ressources humaines de l’établissement d’une charte : constituer régulièrement des groupes de travail interhiérarchiques pour réfléchir aux questions que soulèvent les pratiques professionnelles et à l’occasion établir des règles de fonctionnement et les grands principes de l’action. Cette possibilité de construction en commun aide à rendre la charte plus acceptable, car elle permet de dégager les valeurs communes au plus grand nombre A partir de là, elle n’est plus un simple outil de communication, une simple information, mais devient support d’un acte de communication, en même temps que son produit.
L’effet de la charte en achat pourrait ainsi se mesurer en termes d’acceptation auprès des acheteurs, étroitement liée à la notion de pertinence : « le rapport entre pertinence et acceptabilité renvoie aux valeurs et aux enjeux, en complétant l’indétermination des faits par des subjectivités complexes (individuelles, consensuelles ou culturelles) » (Louart, 1995 : 225).

Un outil adapté au quotidien des acheteurs, une procédure spécifique, un choix opérationnel sont acceptables parce qu’ils sont crédibles. Les personnes y voient un intérêt pour elles-mêmes ou pour l’organisation. Il ne serait pas toujours nécessaire de discuter avec les personnes qui vont mettre en œuvre l’outil et en éprouveront les conséquences. Si dès lors l’établissement d’une charte d’éthique achat relève d’une action communicationnelle, il n’est pas sans implication sur les modèles qui alimentent la gestion des équipes. La production d’une charte dans cette perspective suppose le passage d’une gestion instrumentale des achats consistant à appliquer des outils indépendamment du point de vue des personnes à une gestion qui cherche à construire avec les différentes catégories d’acteurs (acheteurs et sous-traitants) les outils qui vont permettre de travailler ensemble. Cette problématique de gestion correspond au modèle contextuel. Ce modèle s’intéresse à l’émergence de phénomènes non prévus. Il s’éloigne de la représentation classique de cohérence et de simplicité dans les relations ou encore de divergences réductibles. Il fait prendre le risque d’une écoute de ces divergences et ne cherche pas à éradiquer les contradictions irréductibles propres aux relations entre clients et fournisseurs. L’approche interroge les finalités de l’action, ce qui déjà représente un positionnement éthique achat. Enfin, la prise en compte de l’altérité dans ce cadre conduit à mettre l’accent sur l’appropriation et la production de connaissances par les acteurs eux-mêmes.

CONCLUSION

La production d’une charte ne concerne pas que la direction des achats, les acheteurs-leaders et les fournisseurs de rang 1. D’ailleurs, rares sont ceux qui affirment que la charte n’intéresse que cette population. Mais dès lors, qu’ils en soient les premiers destinataires sous-entend qu’une mission de transmission des valeurs et des normes leur est déléguée et qu’ils doivent participer à gérer leurs équipes d’achat et leurs fournisseurs. Elle leur signifie d’être également gestionnaires de la dynamique achat en interne, auprès de tous les donneurs d’ordre et pas uniquement les acheteurs. Un des enjeux de cette délégation pour les directions achat est de permettre que s’ouvrent des espaces de débats afin que chacun, à son niveau, participe à la construction des outils nécessaires à la relation commerciale.

Une charte en achat n’échappe pas au défi de son renouvellement, inhérent aux nouvelles pratiques de sous-traitance, à la nouvelle règlementation issue de la NRE et au mouvement d’internationalisation. Si les grands principes de mise en œuvre des valeurs sont énoncés dans les chartes, si un nombre limité de cas contextuels clairement définis permet de définir quelques comportements d’achat vis-à-vis des fournisseurs, la problématique de nouvelles situations dilemmes reste toujours posée. En effet, l’émergence de cas complexes de prises de décisions éthiques mettant en relation le transfert des responsabilités en cas d’incidents, la sécurité et la politique incessante de réduction de coûts, ne trouvent pas de réponse dans des chartes éthiques en achat, limitées en contenu.

La plupart des chartes d’éthique proposent certes des pistes d’évolution dans leur écriture et dans les objectifs à atteindre. Cela présuppose cependant un nouveau temps de réflexion commun en interne entre les acheteurs, mais aussi en externe avec les fournisseurs pour que l’éthique puisse être à la fois un objectif commun vers lequel les acteurs tendent et une opportunité de co-construction d’un respect mutuel entre acheteurs et sous-traitants.

L’acceptabilité présente des chartes d’éthique en achat ne peut se réaliser qu’à travers le désir laissé aux acteurs de s’approprier les étapes à venir d’une nécessaire évolution de l’éthique des achats, en accord avec soi-même et l’autrui généralisé. Les acheteurs, évoluant toujours aux frontières des organisations, pourront peut-être ainsi mettre en application le précepte de Foucault (2001 : 169) : « on se sauve soi-même dans la mesure où on a permis à la cité de se sauver en s’occupant de soi-même ».

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