La revue Vie et Sciences de l'Entreprise (VSE) déjà classée FNEGE émergente en 2019 est maintenant classée FNGE 4 !!!

Vie et Sciences de l'Entreprise 199Dans une société orientée vers la production de connaissance, la formation doctorale est un facteur de compétitivité et d’attractivité pour les économies délivrant ce diplôme. Les conditions de formation des doctorants, de délivrance des thèses et d’insertion des docteurs sur le marché du travail « public et/ou privé » sont donc des paramètres incontournables pour mesurer la qualité des travaux et de leurs retombées. L’Association Nationale des Docteurs ès Sciences Economiques et en Sciences de Gestion (ANDESE) est particulièrement concernée par ce débat sur l’évolution du Doctorat.

La production scientifique française se situe au sixième rang mondial selon les travaux de l’Agence Nationale de la Recherche Technologie (ANRT), mais le système d’innovation français est classé au 15ème rang mondial selon le tableau de bord de l’innovation européen. Les investissements scientifiques français sont donc transformés de manière insuffisante en innovation. Le doctorat dans sa conception actuelle en est-il la cause ? Le nombre de doctorats délivrés chaque année par les Ecoles doctorales est-il insuffisant ? Est-ce en réformant le Doctorat, notamment au moyen de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) que l’on facilitera la transformation de l’investissement scientifique en innovation opérationnelle ?

La levée de boucliers consécutive aux fuites en avril 2014 sur le projet d’arrêté doctoral concocté par les orfèvres du Ministère de l’Enseignement Supérieur (MESR) a suscité de nombreuses réactions négatives tant des Présidents d’Université, que des chercheurs et des syndicats.

La France contribuerait pour 3 % aux 394.000 diplômes de doctorats délivrés en 2008 dans le monde selon l’OCDE (Etats-Unis :16 % et UE : 27 %) et pour 5,6 % aux 213.000 doctorats délivrés au sein de l’OCDE en 2009. En 2014, selon la Fondation Nationale pour la Gestion des Entreprises (FNEGE), 335 thèses en sciences de gestion ont été délivrées. Selon le site www.theses.fr , 890 thèses en économie ont été délivrées en France toujours en 2014. Selon les statistiques du Ministère de l’Enseignement Supérieur (MESR) disponibles, le nombre de doctorats couvrant toutes les disciplines délivré en France est de 11.500 en 2011, dont 4.348 pour les seules sciences humaines et sociales. Les statistiques du Céreq en 2010 montrent que les titulaires de doctorats en droit, économie et gestion bénéficient d’un bon taux d’insertion, et leur taux de chômage ne serait que de 5 %.

Le nombre de Doctorats délivrés par les Universités des grandes puissances industrielles est très proche du classement de ces dernières selon leur PIB. Les données 2012 du Commissariat général à la Stratégie pour l’année 2008 montrent que l’on retrouve les Etats-Unis (61.000 thèses) suivis par la Chine (43.000 thèses) puis l’Allemagne (25.000 thèses) et le Royaume-Uni (16.000 thèses). La France suit avec 11.309 thèses.

De manière idéale, les Universités et les Ecoles doctorales françaises doivent contrôler le nombre d’admis en thèse, les conditions de formation et de travail des doctorants et les conditions de délivrance du doctorat. L’évaluation des Ecoles doctorales doit se faire sur la base d’une grille de critères validée nationalement. L’évaluation devrait se faire par une entité publique dûment compétente ou par des tierces parties accréditées pour ces évaluations, comme cela se pratique dans le monde universitaire anglo-saxon. Cette démarche correspond à la démarche qualité de certification ISO appliquée à un cadre académique et de recherche.

Des universités comme Paris Dauphine et/ou Paris I Sorbonne pratiquent déjà le doctorat en formation professionnalisée, mais sous des conditions très strictes de contrôle par les Ecoles doctorales. Ce n’est pas en augmentant le nombre de Doctorants par le recours à la VAE, pour des cadres de l’industrie et de l’administration issus de filières de qualité, mais de niveau Master, que l’on réglera la transformation insuffisante de l’investissement scientifique français en innovation de produits et de services.

C’est probablement en augmentant le nombre de conventions industrielles de formation à la recherche (CIFRE) et en allouant des moyens spécifiques supplémentaires aux Ecoles doctorales que l’on résoudra une partie de la problématique de transformation évoquée ci-avant. Ce n’est pas en décrivant dans le menu détail par une approche « colbertiste » ce que doit faire une école doctorale, mais en pratiquant une évaluation a posteriori sur des critères acceptés et reconnus par tous que l’on fera progresser l’enseignement supérieur et de la recherche français.

La réforme souhaitée par le MESR est repoussée à 2016, mais parmi les problèmes à traiter l’on trouve : une reconnaissance renforcée du doctorat par les entreprises et pour les universitaires la reconnaissance du doctorat comme une première expérience professionnelle, et l’ouverture par l’Etat des grands corps aux Docteurs.

Des alliances entre les nombreux incubateurs qui se créent en France sur Paris et dans l’ensemble des régions labellisées « French Tech » avec les Ecoles doctorales répondraient aux objectifs de professionnalisation des doctorants et de développement d’une société de la connaissance aux moyens de projets entrepreneuriaux. Les thésards scientifiques, comme les économistes et les gestionnaires, ont leur pierre à apporter à ces incubateurs et accélérateurs d’entreprise .Quant aux philosophes et spécialistes des sciences sociales, ils pourraient étudier l’impact sur les relations sociales des organisations transformées par le numérique et les objets connectés. Dans ces organisations, la créativité est fortement stimulée pour faire émerger non seulement des projets innovants, mais un « Homo numericus ». Les grandes entreprises françaises, quant à elles, pourraient accélérer le développement des projets d’entrepreneuriat en s’adjoignant les compétences des Ecoles doctorales et en développant le capital-risque d’entreprise/Corporate venture capital, qui est aux Etats-Unis à l’origine de près de 50 % de l’ensemble des start-ups.

L’amélioration de la préparation à la vie professionnelle dans les Ecoles doctorales proposée par le Président de la Conférence des Présidents d’Université est empreinte de bon sens, tout comme la proposition d’inscription par les entreprises du doctorat dans les conventions collectives.

La discussion sur le projet d’arrêté ne fait que commencer en fait et les débats resteront agités jusqu’à ce qu’un nouvel arrêté puisse rapprocher les points de vue des parties prenantes. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’on ne développe pas une politique de qualité académique et de recherche sans y mettre les moyens financiers, humains et organisationnels nécessaires à l’objectif recherché. Il ne faut pas oublier également un cadre d’évaluation des Ecoles doctorales approprié sinon le pire est à craindre !